Corriger pour redynamiser l’écosystème de vos prairies
- Thomas MAUGER
- il y a 1 jour
- 8 min de lecture
Une fois l’état des lieux des analyses de terrain et de laboratoire, il nous faut faire des choix de ce qui est à améliorer/ faire évoluer.
Parfois, les changements sont surtout techniques plus que chimiques. En effet, des changements dans le mode de gestion des prairies, le type d’effluents épandu, les périodes d’apports, peuvent grandement faire évoluer positivement un système sans nécessairement intégrer trop d’apport exogène.
Les fumures organiques/Ferti organique
Les effluents d’élevage ont une vraie place dans le contexte actuel. La meilleure et la plus rentable étant la bouse et le pissat des animaux, en lien avec le mode de pâturage (chargement instantané et déplacement régulier). Sa fraicheur est un vrai carburant pour les auxiliaires du sol tout en étant un inoculum microbien (hormis dans le cas d’un troupeau en acidose).
Bouses et pissats apportent des éléments différents et ont donc un effet variable sur la flore et son évolution dans le temps.

L’urine, par son faible rapport C/N et sa richesse uréique et potassique, va dynamiser la flore, aussi bien graminée que légumineuses. Il s’agit d’un vrai engrais agronomique qui peut redynamiser les sols ou la MO évolue mal. Cependant, elle peut avoir un effet désherbant (herbe cramée) si l’animal est en acidose.
Une bouse, avec son C/N équilibré autour de 10/1, a plus un rôle d’inoculum et de carburant pour la faune du sol. Ses apports Calcique, magnésien mais aussi phosphorique en font un bon outil d’analyse de notre ration. Si elle est équilibrée, lors de sa dégradation et son incorporation au sol, elle favorise du trèfle et des bonnes graminées, à l’inverse, en condition de faible attrait, elle va favoriser une levée de renoncule et d’houlque.
On peut donc via son analyse réajuster les minéraux distribuer au troupeau (lithothamne, coquille marine, algues...) pour travailler à la fois l’attrait de la bouse mais aussi le microbiote intestinal du ruminant.
Fumier et lisier, nos effluents stockés, une belle richesse si bien travaillée
Le fumier évolué/composté est une des meilleures sources de carbone et d’azote pour relancer la vie du sol. Sa période d’apport va influencer le rôle chercher (au printemps, un effet de minéralisation ; A l’automne, l’azote sera valorisé sous forme d’acides aminés : on aura un effet sur l’humification). Le fumier est lui aussi un très bon inoculum (s’il est bien travaillé) : on peut s’en servir pour réorienter nos sols d’un point de vue microbien (et non pas seulement d’un point de vue minéral)
Les Lisiers sont des formes intéressantes pour faire travailler la matière organique cependant il faut y faire plus attention au niveau des périodes d’apports vis-à-vis de pontes des organismes : Éviter les épandages à forte concentration de mi-mai à fin septembre :
Mi-mai : période de ponte des vers de terre, collembole, actinomycètes
Fin aout à fin septembre : éclosion des oeufs (90/95 %)
On va préférer les épandages au pendillard plutôt qu’enfouisseur, du moins pour les lisiers chargés.
Les Lisiers mal brassés/ aérés sont souvent chargé en H2S (le rumex vous remerciera), réduisant formatent microflore et faune des premiers centimètres.
Il est possible de réduire son effet sur le sol en l’enrichissant en bactérie lactique (petit lait, pour mieux dégrader la MO, EM…).
Placés rigoureusement entre fauches et/ou pâturages, Ils vont dynamiser la croissance foliaire, racinaire, améliorer la qualité nutritionnelle de l’herbe et par conséquent la production animale qui en découle.
A la différence des formes minérales inerte d’un point de vue biologique, les matières organiques apportent un microbisme au sol (bactérie, protozoaires, nématodes) et favorise ainsi un enrichissement du sol des prairies.
Comme précisé au-dessus, il est possible de travailler la diversité microbienne des effluents via des biostimulants fait maison (EM, lifofer, thé de compost, lactoserum…) ou acheté dans le commerce.
La fertilisation foliaire
Celle-ci fait suite principalement à des analyses de sève et de sol. Elle s’applique post pâturage/ fauche sur un couvert ayant déjà refait de la feuille et ayant redémarré une phase photosynthétique ( viser 2000 kg MS)
Les extraits fermentés
Les extraits fermentés sont des préparations réalisées à partir de plantes macérées. Les macérations de plantes (ortie, consoude, algue, luzerne.) sont riches en microorganismes, riches en minéraux et oligos très assimilables (N, K, Ca, Mg, Fe…) en acides aminées, divers principes actifs qui jouent un rôle d'amendement organique avec des effets de croissance mais aussi de protecteurs des plantes. Ils relancent la microfaune et le macrofaune du sol. Ceux-ci s’appliquent au pulvérisateur (ou dans un fumier) a faible pression (moins de 2 bars au pulvérisateur)

Acides aminés
L’utilisation d’acides aminés (d’origine végétale) en fertilisation foliaire permet une utilisation rapide par la plante sans devoir les synthétiser (énergivore pour elle) lui permettant d’utiliser l’énergie fournie par la photosynthèse pour d’autres processus métaboliques.
Cela améliore la productivité et la santé des plantes, une meilleure absorption des nutriments (apportés conjointement) et une meilleure valeur minérale du fourrage (G. Colla, 2012).
Coupler les stimulants à un acide organique
Les acides humiques et fulviques sont des boosters de croissance naturels qui soutiennent la prairie de nombreuses manières. Ils agissent au niveau du sol via une meilleure agrégation du sol, mais aussi un meilleur enracinement plus dense et profond. Cela se répercute sur l’assimilation des éléments minéraux du sol mais aussi de l’eau. Chacun joue un peu son rôle : Les acides humiques vont dynamiser les racines latérales tandis que les acides fulviques vont favoriser leurs allongements en profondeur.
De ce chevelu racinaire et la meilleure porosité du sol, les plantes en surface montrent une meilleure santé, un meilleur développement foliaire, une meilleure photosynthèse (favorisant la production d’énergie, d’acides aminés, de vitamines) mais aussi et surtout un meilleur rendement (Verlinden et al., 2009)
Les amendements, le squelette du sol
L’amendement a pour but de rééquilibrer notre CEC (approche Albrecht/kindsey) et de rétablir des équilibres à la suite d’exportations, lessivages…
Les formes peuvent varier et sont à adapter selon les besoins et le contexte
Carbonate (fin à grossier)
Gypse
Treiz, Maerl, coquille d’oeuf, coquille d’huitre broyée, lithothamne
Chaux humide ou vive
Dolomie
Ils ont tous pour but de ramener du calcium assimilable dans la rhizosphère, de manière plus ou moins rapide, tout en jouant pour une bonne partie sur la remontée du ph (excepté le gypse)
Cette remontée de ph se fait via la base à laquelle elles sont liée :
soit une base forte (oxyde/ hydroxyde) tel que la chaux
soit ou base faible tel que le carbonate, le treiz, coquille marine/oeuf, la dolomie.
C’est ce que l’on définira comme la Valeur Neutralisante (VN) des produits concernés.
Mais il semble important de retenir que les formes les plus grossières sont celles les plus favorables à l’activité microbienne. En effet, plus les formes sont grossières, moins elles sont lessivables, et vont donc pouvoir être grignoté au fur et à mesure des besoins des organismes du sol et des saisons, sans subir de lessivage.
Mais encore faut-il que la vie microbienne soit déjà en route. Remonter le ph (supérieur à 6.3) et la part de calcium actif dans la rhizosphère réoriente l’attrait des vers de terre (l’un des moteurs indispensables de la prairie productive), la porosité du sol et l’infiltration de l’eau, la dégradation de la matière organique et la solubilité des minéraux et par conséquent l’efficience de la photosynthèse et la qualité du végétal qui en découle.
Passer par l’option « couverts végétaux multi espèces » pour recréer un équilibre de sol/MO
L’option couvert végétal est une option intéressante car elle nous permet de réorienter le redox de notre sol (et donc son équilibre) par des plantes judicieusement choisis selon nos besoins.
Nous noterons dans le graphique ci-dessous, tiré des recherches de Lucien Seguy (pionnier des sols vivants) que certaines plantes vont avoir un effet oxydant de notre sol (graminées), tandis que d’autres plus réductrices (légumineuses, crucifère)
Bien évidement cela va dépendre du bon développement du couvert du stade auquel on intervient sur celui-ci (pâturage ou fauche ou laissé au sol)
Il nous est possible d’alterner les couverts selon les saisons et l’objectif de valorisation souhaité (couverts estivaux à pâturer, couvert automnale/hivernal pour restructurer et laisser le sol au repos sur l’hiver)
Multiplier les espèces va néanmoins jouer un vrai rôle agronomique via la diversité d’exsudats racinaires relarguée dans le sol a destination de la faune présente.
Recréer de la diversité pour dynamiser cet écosystème qui repose sur le « mangeur mangé »
Comme précisé tout au long de cet article, Les plantes mènent la danse via la photosynthèse, elles sont de véritable chef d’orchestre.
En effet, grâce aux exsudats racinaires sécrétés dans la rhizosphère, elles contrôlent/orientent le nombre et la diversité de champignons et bactéries bénéfiques, chaque plante stimulant des familles différentes (d’où l’intérêt de la diversité).
Les plantes qui doivent maintenir un rapport bactéries/champignon élevé exsuderont des sucres et des composés plus simples que les bactéries pourront manger et utiliser pour se reproduire très rapidement. Les plantes qui doivent maintenir des populations fongiques plus importantes que les bactéries libèrent des composés carbonés plus complexes dont les champignons ont besoin pour se développer et se reproduire.
Grâce à ces exsudats racinaires variés libérés dans le système racinaire, les micro-organismes se développent jusqu'à atteindre des centaines de millions par gramme de sol rhizosphérique, un vrai garde mangé.
Comment se régule toute cette population ?
Les bactéries et champignons décomposent les matières végétales et animales afin d'ingérer de l'azote, des composés carbonés et d'autres nutriments. Ces nutriments sont ensuite « immobilisés » à l'intérieur des organismes.
Ils ne sont libérés, ou minéralisés, que lorsque ceux-ci sont consommées par un autre organisme ou qu'elles meurent et sont elles-mêmes décomposées
Ça tombe bien, Ces bactéries et champignons développés en nombre dans la zone racinaire vont servir de repas aux nématodes et protozoaires, en recherche de carbone. Ces deux organismes régulent les populations bactérienne et fongiques et relarguent de l’ammonium en post digestion, devenu biodisponible pour la plante.
Une chaine d’équilibre C/N infinie
Chaque espèce d'organisme, bactérie, champignon, protozoaire, nématode, micro-arthropode, macro-arthropode, ver de terre, gastéropode... ont un rapport carbone (C)/azote (N) différent.
Bactéries | Champignons | Protozoaires | Nématodes | Arthropodes | |
Ratio C/N | 5/1 | 20/1 | 30/1 | 100/1 | 150/1 |
Les bactéries sont les organismes vivants les plus riches en nutriments de la planète, avec un rapport C/N de 5/1. Le rapport des champignons est en moyenne de 20/1, celui des protozoaires de 30/1 (comme nous, les humains), celui des nématodes de 100/1 et celui des micro/macro-arthropodes de plus de 150/1.
Quelle conséquence sur les équilibres des mangeurs/mangés ?
Un protozoaire dont le rapport C/N est de 30/1 doit conserver 30 molécules de carbone et 1 d’azote pour maintenir son homéostasie.
Pour acquérir les 30 carbone, il doit manger 6 bactéries (ration 5/1). Ce faisant, il contient maintenant 6 d’azote (30 carbones pour 6 molécules d’azote), mais ne peut en conserver qu'un seul.
Le protozoaire doit excréter 5 molécules d'azote dans le sol sous forme d’ammonium, facilement assimilable pour la plante au niveau de son système racinaire
Non seulement le protozoaire « minéralise » l'azote, mais il minéralise également le P, le K, le Ca, le Mg, le S, le Fe, le Zn, le Cu, le B, le Co… Et bien d'autres nutriments et composés présent dans ses proies.
Cela permet aux nutriments contenus dans une espèce d'être libérés lorsqu'ils sont consommés par une autre espèce.
Ce schéma est répété à l'infini, des milliers de fois par jour, par chacun de ces groupes de micro-organismes actifs et fonctionnels qui vivent dans le sol.
Conclusion :
Nous avons pu voir de manière assez concise que le sol d’une prairie reste un milieu complexe et passionnant. Comme vu tout au long de ces articles, une prairie n’est pas nécessairement un puit de carbone si les pratiques en surface ne sont pas cohérentes.
Nous avons pu cependant mettre en avant que celle -ci reste évolutive : elle peut se dégrader comme s’améliorer avec le temps.
Mais cette amélioration repose constamment sur des pratiques favorables à ce que la vie microbienne de nos sols puisse s’exprimer.
Suite aux différents leviers d’analyse, nous avons mis en avant toute l’importance de cette diversité microbienne dans un écosystème prairial efficient et durable. Nos diverses pratiques les favorisent où les atténuent.
Il s’agit donc désormais de bien diagnostiquer notre écosystème et de faire les bons choix pour rééquilibrer notre sous-sol de la prairie et d’obtenir des prairies biologiquement vivantes et agronomiquement performantes.
Un grand merci à Florent Cotten pour la richesse de son travail et la valeur qu'il apporte à nos lecteurs. Ses connaissances approfondies et ses conseils éclairés sur l'écosystème des sols prairiaux et leur gestion sont essentiels pour ceux qui souhaitent améliorer la santé de leurs prairies et la performance de leur exploitation.
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