Témoignage – José & Lucien Eggertswyler : Un réseau de chemins qui change tout

Nous sommes José et Lucien Eggertswyler, éleveurs à Bois-d’Amont dans le canton de Fribourg, en Suisse. Nous élevons 55 vaches laitières de race Kiwicross, avec une production destinée à la fabrication du Gruyère AOP.

Notre réseau de chemins de pâturage a débuté en 2013, et depuis, nous n’avons cessé de le prolonger et de l’améliorer. Ce projet est né d’une problématique bien concrète : notre parcellaire allongé rendait difficile l’accès aux paddocks les plus éloignés, surtout en période humide. À chaque passage, les vaches créaient des bourbiers qui salissaient les mamelles et rendaient parfois les pâtures inaccessibles.

Notre objectif principal était donc de pouvoir sortir les vaches quelles que soient les conditions climatiques, afin de gagner des jours de pâturage chaque saison.

Conception du chemin : pratique, réfléchi et intégré au terrain

Le chemin traverse notre parcellaire en son centre, permettant ainsi de desservir tous les paddocks de chaque côté. Nous avons opté pour une largeur de 2 mètres, suffisante pour permettre à deux vaches de marcher côte à côte, et limitant la perte de surface sur les prairies.

En parallèle de la construction du chemin, nous avons enterré une conduite d’eau, ce qui permet aujourd’hui d’avoir un abreuvoir dans chaque paddock, une amélioration importante pour l’autonomie des animaux et la logistique au quotidien.

Côté matériaux, nous avons :

• Enlevé 10 cm de terre,

• Posé 20 cm de tout-venant stabilisé (ou goudron fraisé selon les possibilités locales),

• Ajouté 3 cm de gravier gras, que nous avons vibré pour assurer la compaction.

Ce chemin nécessite un entretien léger tous les 3 à 4 ans, consistant à rajouter du gravier gras et le vibrer à nouveau.

Nous avons géré la construction en interne, avec José qui s’est inspiré de ce qu’il avait vu lors d’un voyage en Irlande. À l’époque, il n’y avait pas encore beaucoup de références en Suisse. Aujourd’hui, nous pensons qu’il est judicieux de demander conseil à des experts et visiter des fermes équipées pour éviter les erreurs et optimiser cet investissement à long terme.

Des impacts visibles sur la gestion et la productivité

Grâce à ce chemin, les fortes précipitations, notamment en sortie d’hiver, ne sont plus un frein. Chaque année, nous gagnons des jours de pâturage, ce qui se traduit par plus de souplesse et moins de stress dans la gestion quotidienne.

Avant le chemin, nous avions tendance à surpâturer les parcelles proches du bâtiment et négliger celles plus éloignées. Aujourd’hui, la qualité botanique s’est améliorée, et nous avons augmenté le rendement en herbe sur l’ensemble des surfaces.

Nos paddocks étant conçus pour une occupation de 24 heures maximum, nous n’avons plus de zones boueuses persistantes, ni aux entrées ni à proximité des bassins.

Les bénéfices pour le troupeau sont également très clairs :

• Les vaches sont mieux dehors que dedans,

• Elles sont plus propres en période humide,

• Le bien-être global du troupeau s’est nettement amélioré.

Un pas de plus : un boviduc pour élargir l’accès au pâturage

Dans cette même dynamique d’optimisation, nous avons également entrepris un projet plus ambitieux : la construction d’un boviduc sous une route cantonale. L’objectif était clair : relier en toute sécurité de nouvelles surfaces de pâturage situées de l’autre côté de la route.

Ce passage souterrain permet aujourd’hui à notre troupeau de circuler librement entre les deux zones sans interruption du trafic routier, et sans stress. Cela a été un investissement conséquent, mais les bénéfices sont à la hauteur :

• Augmentation significative de la surface de pâturage accessible,

• Meilleure répartition des charges sur les différentes prairies,

• Sécurité renforcée, tant pour les animaux que pour les usagers de la route.

Nous avons documenté l’ensemble de la construction avec des photos que nous sommes heureux de partager. Ce boviduc illustre parfaitement notre vision d’un pâturage structuré, durable et respectueux du bien-être animal comme de l’environnement.

Un retour d’expérience riche de conseils

Nous avons commencé avec 300 mètres de chemin, et nous en sommes aujourd’hui à près d’un kilomètre. Avec du recul, nous pensons que nous aurions dû aller plus loin dès le départ. Ce réseau a transformé notre quotidien et notre manière de travailler.

Notre conseil : réfléchissez bien à l’implantation du chemin et à la disposition des futurs paddocks. N’hésitez pas à aller voir d’autres exploitations et à vous entourer de personnes compétentes pour éviter les erreurs.

Pour ceux qui hésitent, sachez que même si cela peut paraître difficile de "sacrifier" une bande de terre, le gain est largement supérieur à la perte de surface. Un jour de pâturage gagné est un jour d’économie. Alors n’hésitez plus à investir dans un réseau de pâturage performant : c’est rentable, durable et essentiel pour un pâturage professionnel.