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Valoriser les couverts estivaux en pâturage : sorgho, moha, millet

En été, lorsque les températures grimpent et que les précipitations se raréfient, les prairies permanentes et temporaires entrent souvent en souffrance : la croissance ralentit, la qualité de l’herbe se dégrade et les stocks sur pied fondent rapidement. Cette baisse de productivité estivale met en difficulté de nombreuses exploitations, qu’elles soient laitières ou allaitantes, en limitant l’autonomie fourragère au moment où les besoins animaux restent élevés.


Pour sécuriser l’alimentation des troupeaux pendant ces périodes critiques, certains éleveurs font le choix d’intégrer des couverts estivaux spécifiquement adaptés aux conditions chaudes et sèches. Sorgho, moha ou millet, ces espèces dites “tropicales” offrent un potentiel intéressant grâce à leur capacité à pousser rapidement et à tolérer le stress hydrique. Bien conduits, ces couverts peuvent devenir de véritables outils fourragers complémentaires pour soulager les pâtures permanentes et limiter le recours à l’ensilage ou au foin.


Mais quelles espèces choisir ? Comment réussir leur implantation ? Et surtout, comment adapter leur gestion en pâturage pour en tirer le meilleur rendement et préserver la qualité des repousses ? Cet article propose de faire le point sur les principales espèces estivales adaptées au pâturage, les règles techniques à respecter pour réussir leur valorisation, et leur place dans un système herbager raisonné.

 

Quels couverts estivaux privilégier ?


Face aux difficultés estivales, certaines espèces fourragères originaires de zones tropicales ou subtropicales présentent des atouts majeurs : croissance rapide, bonne appétence, tolérance à la sécheresse et capacité de repousse après exploitation. Parmi elles, trois espèces principales se démarquent dans nos contextes :


🌱 Sorgho fourrager (Sorghum bicolor)

Le sorgho est sans doute l’espèce estivale la plus connue et la plus utilisée.

  • Atouts :

    • Très bonne résistance à la sécheresse grâce à un enracinement profond et une bonne efficacité hydrique.

    • Production rapide de biomasse importante, jusqu’à 10 à 15 t MS/ha en conditions favorables.

    • Capacité de repousse après fauche ou pâturage (« multicoupe »).

  • Contraintes :

    • Attention au risque d’acide cyanhydrique (risque d’intoxication des animaux) après stress hydrique ou sur jeunes repousses (< 50 cm) : attendre que la plante atteigne une hauteur suffisante avant pâturage.

    • Valeur alimentaire moyenne : à surveiller en fin de cycle.

bovin pâturant du sorgho

🌾 Moha (Setaria italica)

Le moha est une petite graminée annuelle, appréciée pour sa précocité et sa souplesse d’utilisation.

  • Atouts :

    • Cycle court : prêt à pâturer environ 45 à 50 jours après semis.

    • Bonne appétence, peu de risques sanitaires.

    • Implantation facile, même en conditions estivales.

  • Contraintes :

    • Rendement plus limité que le sorgho : autour de 3 à 5 t MS/ha.

    • Valeur alimentaire moyenne, assez rapidement dégradée si la maturité avance.


🌿 Millet perlé (Pennisetum glaucum)

Moins connu mais intéressant, notamment dans les régions à été sec et chaud.

  • Atouts :

    • Excellente tolérance à la chaleur et à la sécheresse.

    • Bon rapport feuilles/tiges, appétence correcte pour les bovins.

    • Moins sensible aux intoxications que le sorgho.

  • Contraintes :

    • Cycle plus long (60-80 jours).

    • Capacité de repousse après exploitation plus faible.


🌾 Teff grass (Eragrostis tef)

  • Atouts :

    • Très bonne tolérance à la sécheresse et à la chaleur (plante C4 comme le sorgho).

    • Cycle court : prêt à pâturer environ 45-60 jours après semis.

    • Appétence correcte pour les bovins si récolté/pâturé jeune (avant épiaison).

    • Souple d’utilisation : fauche possible en alternative ou complément au pâturage.

  • Contraintes :

    • Sensibilité à la concurrence en phase de levée : lit de semence bien préparé nécessaire.

    • Valeur alimentaire moyenne, décline rapidement après montaison : pâturer tôt.


👉 Ces quatre espèces peuvent également être associées en mélanges, éventuellement complétées par une légumineuse estivale (vesce d’été, trèfle d’Alexandrie), pour améliorer la qualité de la ration et favoriser l’implantation dans des parcelles dégradées.

 

présentation des services d'opti'pâture pour le pâturage estivales

 Implantation : réussir le semis des couverts estivaux


La réussite d’un couvert estival destiné au pâturage repose sur une implantation rapide et homogène, permettant une bonne couverture du sol et une croissance efficace avant les premières exploitations.


📅 Date de semis

  • Période optimale : de mai à début juillet, lorsque les températures du sol dépassent 12 à 14°C.

  • Plus on avance en saison, plus le risque hydrique augmente : il est donc préférable de semer tôt pour bénéficier des dernières pluies printanières.

  • Possibilité de rattrapage : semis plus tardif envisageable sous irrigation ou après une première coupe précoce sur prairie temporaire.


🏞️ Choix des parcelles

  • Sols bien structurés, légers à moyens, avec bonne capacité d’infiltration.

  • Éviter les zones compactées ou hydromorphes.

  • Ces cultures peuvent aussi être valorisées pour rattraper des parcelles en impasse ou après une prairie dégradée.


🔧 Préparation du lit de semence

  • Lit de semence affiné : le semis doit garantir un bon contact terre-graine, indispensable pour une levée rapide.

  • Préférer un travail superficiel (<5 cm) pour conserver la fraîcheur du sol.

  • Attention à la gestion des adventices avant semis : faux-semis utiles si conditions le permettent.


🌱 Densités et profondeurs de semis (en semis pur)

  • Sorgho fourrager : 20 à 25 kg/ha, profondeur 2-3 cm.

  • Moha : 25 à 30 kg/ha, profondeur 1-2 cm.

  • Millet perlé : 8 à 10 kg/ha, profondeur 2-3 cm.


🧪 Fertilisation à l’implantation

  • Besoin en azote : ces espèces, gourmandes en azote, nécessitent un apport de 50 à 80 unités/ha au semis (ou en pré-semis).

  • Compléter si nécessaire en fonction de la richesse initiale du sol.

millet fourrager

Conduite en pâturage : adapter sa gestion


Ces couverts estivaux, bien que productifs et résistants à la sécheresse, nécessitent une conduite précise pour optimiser leur valorisation et préserver leur capacité de repousse.


📏 Hauteurs d’entrée et de sortie par espèce

  • Sorgho fourrager :

    • Entrée : lorsque les plantes atteignent 80 à 100 cm.

    • Sortie : ne pas descendre sous 30-40 cm pour préserver les zones de repousse.

  • Moha :

    • Entrée : dès 50 cm.

    • Sortie : conserver au moins 10-15 cm de résidu.

  • Millet perlé :

    • Entrée : à partir de 50-60 cm.

    • Sortie : 20-25 cm minimum.

  • Teff grass :

    • Entrée : 30-40cm

    • Sortie 10-15cm


👉 Pourquoi respecter ces hauteurs ?

  • Ces espèces stockent leurs réserves dans la base de la tige : une hauteur résiduelle trop faible compromettra la repousse et affaiblira la parcelle pour les exploitations suivantes.


⚠️ Risques spécifiques à gérer

  • Acide cyanhydrique (HCN) chez le sorgho :

    • Ne pas pâturer de jeunes repousses après une période de stress hydrique (repousses < 50 cm).

    • Après reprise de croissance : attendre au moins 7 à 10 jours avant réintroduction au pâturage.

  • Appétence variable :

    • La qualité du fourrage décline rapidement après le stade optimal : éviter les surmaturités (fibres plus dures, baisse de la valeur alimentaire).


🔄 Capacité de repousse après pâturage

  • Sorgho multicoupe : très bonne repousse si pâturage respectueux des hauteurs résiduelles.

  • Moha : repousse plus limitée : généralement valorisé en une ou deux coupes/pâturages.

  • Millet perlé : faible capacité de repousse, envisager une exploitation unique dans de bonnes conditions.


Intégration dans un système herbager


L’intégration des couverts estivaux dans un système de pâturage bien piloté doit être réfléchie pour maximiser leur intérêt fourrager sans désorganiser le circuit global. Ces espèces sont avant tout des leviers tactiques pour sécuriser l’alimentation estivale.


🔄 Rôle stratégique dans la rotation

  • Relais fourrager en période critique : ces couverts permettent de soulager les prairies permanentes et temporaires en période de stress hydrique, en réduisant la pression de pâturage sur ces dernières.

  • Flexibilité : ils peuvent être introduits ponctuellement, sur des parcelles disponibles après une céréale à paille, après une prairie temporaire fatiguée ou pour réhabiliter une parcelle en impasse.


🧩 Articulation avec le reste du système

  • Choix des parcelles : préférer des parcelles proches des zones pâturées habituelles pour limiter les déplacements et assurer un accès à l’eau.

  • Durée d’utilisation : exploitation généralement limitée (1 à 3 passages max selon l’espèce et les conditions) ; anticiper leur remplacement ou leur remise en culture à l’automne.

teff grass prêt à pâturer

⚠️ Attention à la valeur alimentaire

  • Ces espèces, bien que productives en biomasse, présentent une valeur alimentaire moyenne à modeste : la concentration énergétique est inférieure à celle d’une prairie tempérée en pleine pousse, avec des taux de fibres élevés dès que la maturité avance.

  • 👉 Ces couverts sont donc particulièrement adaptés à des lots à faibles besoins :

    • Bovins allaitants adultes.

    • Troupeaux secs.

    • Animaux d’entretien.

  • Pour les animaux à besoins élevés (vaches laitières en lactation, jeunes en croissance rapide), une complémentation sera souvent nécessaire pour couvrir les besoins en énergie et en protéines.


🌾 Valorisation agronomique

  • Amélioration de la structure du sol : enracinement profond (notamment sorgho) qui favorise l’aération du sol.

  • Couverture estivale : limite les adventices estivales et l’érosion des sols nus.


Bilan économique et intérêt technico-économique


L’introduction de couverts estivaux dans un système herbager doit aussi être évaluée sous l’angle économique, car ces cultures engendrent des coûts spécifiques.


💸 Coûts d’implantation

  • Travail du sol et semis : environ 60 à 100 €/ha selon les pratiques (préparation simple ou faux-semis préalable).

  • Semences :

    • Sorgho fourrager : 60 à 100 €/ha selon les variétés.

    • Moha : environ 50 à 70 €/ha.

    • Millet perlé : 80 à 110 €/ha.

  • Fertilisation : souvent 50 à 80 unités d’azote/ha recommandées, soit 50 à 80 €/ha supplémentaires selon le prix des engrais.


👉 Coût global d’implantation estimé : environ 200 à 300 €/ha.


📈 Production attendue

  • Rendement espéré :

    • Sorgho : 8 à 12 t MS/ha.

    • Moha : 3 à 5 t MS/ha.

    • Millet : 4 à 7 t MS/ha.


💡 Ces rendements sont très dépendants de la pluviométrie estivale ; en conditions sèches sans irrigation, il faut tabler sur des fourrages assez fibreux et de valeur modérée, peu denses en énergie.


🐄 Intérêt économique :

  • Ces couverts offrent une autonomie fourragère précieuse sur une période critique, permettant :

    • D’éviter une consommation excessive des stocks d’hiver (ensilage, foin).

    • De maintenir le troupeau au pâturage même en été sec.


✅ Mais :

leur valeur alimentaire moyenne les destine principalement à des animaux à faibles besoins (vaches allaitantes taries, bovins d’entretien) : leur pâturage pour des animaux hautement productifs nécessitera une complémentation significative (concentrés +++).


Conclusion


Face à des étés de plus en plus chauds et secs, les couverts estivaux comme le sorgho fourrager, le moha ou le millet perlé apparaissent comme des solutions techniques intéressantes pour renforcer la résilience des systèmes herbagers. Leur capacité à produire rapidement de la biomasse, même en conditions de déficit hydrique, permet de soulager les prairies permanentes et temporaires, et ainsi de préserver leur potentiel pour l’automne.


Mais ces couverts doivent être utilisés avec discernement :

  • Leur valeur alimentaire reste moyenne, ce qui les destine en priorité à des lots d’animaux à faibles besoins (vaches taries, bovins allaitants adultes, animaux d’entretien).

  • Leur conduite au pâturage diffère sensiblement de celle des prairies tempérées classiques, avec des hauteurs d’entrée et de sortie spécifiques à respecter pour préserver leur capacité de repousse.


Enfin, leur rentabilité économique dépend fortement du contexte pédoclimatique et de leur intégration dans une rotation culturale réfléchie, notamment en interculture courte avant une implantation d’automne.


✅ Bien maîtrisés, ces couverts peuvent devenir des outils tactiques précieux pour sécuriser la ressource fourragère estivale et préserver l’autonomie alimentaire de l’exploitation, tout en valorisant des parcelles en transition ou en impasse.


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