Élever une Vache Plus Efficace au Pâturage : le croisement est une solution.
- Thomas MAUGER
- 18 févr.
- 14 min de lecture
Introduction : Le Croisement, Une Stratégie Alternative pour la Vache Parfaite au Pâturage
L’élevage laitier est l’un des rares secteurs agricoles où la race pure a été majoritairement préservée. Contrairement aux filières porcine, ovine ou avicole, où le croisement génétique est une norme pour améliorer la productivité et l’adaptabilité, l’élevage laitier a longtemps privilégié la sélection intra-race. Cette approche a permis d’affiner certaines caractéristiques spécifiques aux races locales, notamment en lien avec les cahiers des charges des AOP en France. Cependant, elle limite aussi les possibilités d’évolution rapide face aux défis actuels du pâturage, notamment l’efficacité alimentaire, la robustesse et la rentabilité globale des troupeaux.
L’amélioration des performances passe donc par deux stratégies complémentaires : la sélection intra-race, que nous avons abordée dans la première partie, et le croisement génétique, qui permet d’introduire des caractères nouveaux tout en tirant profit du phénomène d’hétérosis (vigueur hybride). Cette approche, largement adoptée en Nouvelle-Zélande, a démontré son efficacité dans les systèmes herbagers, où la valorisation maximale du pâturage est une priorité.
L’exemple néo-zélandais est particulièrement intéressant, car il illustre une approche pragmatique de l’amélioration génétique. En Nouvelle-Zélande, les systèmes d’élevage laitier sont quasi exclusivement basés sur le pâturage, avec des contraintes économiques et environnementales qui imposent une vache efficace, rustique et autonome. C’est dans ce contexte qu’a émergé la Livestock Improvement Corporation (LIC), une entreprise spécialisée dans l’amélioration génétique des troupeaux, notamment à travers le croisement Holstein-Jersey.
Le LIC a structuré une approche génétique axée sur la performance au pâturage, avec pour objectif d’optimiser l’ingestion d’herbe, la fertilité, la longévité et l’efficience alimentaire des vaches laitières. Cette démarche a conduit au développement du célèbre KiwiCross, un croisement Holstein-Jersey qui a révolutionné l’élevage laitier néo-zélandais en améliorant à la fois la production laitière et l’adaptation des animaux au pâturage. Le contexte du marché laitier néo-zélandais étant basé à 95% sur l’exportation, a poussé l’organisation agricole complète à améliorer la production de MSU (matière sèche utile) des vaches dans le but de traiter le moins possible d’eau dans le lait.
À travers cet article, nous allons explorer comment et pourquoi le croisement peut être un levier puissant pour améliorer l’adaptabilité des troupeaux laitiers aux systèmes herbagers. En nous appuyant sur les enseignements du modèle néo-zélandais, nous verrons quels croisements peuvent être pertinents en France et comment ils pourraient s’intégrer dans des systèmes de pâturage performants.

1. Objectifs généraux du croisement en élevage laitier
Le croisement en élevage laitier vise à combiner les atouts génétiques de différentes races pour optimiser la performance des troupeaux dans un système herbager. Contrairement à la sélection intra-race, qui améliore progressivement certaines caractéristiques, le croisement permet d’obtenir des résultats plus rapidement grâce à l’hétérosis (ou vigueur hybride), qui favorise la robustesse, la longévité et l’efficacité alimentaire des animaux.
L’exemple du KiwiCross en Nouvelle-Zélande illustre parfaitement les bénéfices du croisement dans un système basé sur le pâturage. Ce croisement entre Holstein-Friesian et Jersey a été conçu pour répondre aux défis de l’élevage extensif et améliorer trois points fondamentaux :
1.1. Améliorer la robustesse et l’adaptabilité au pâturage
Dans les systèmes herbagers, la capacité d’une vache à s’adapter aux conditions extérieures est un facteur clé de réussite. Or, certaines races laitières, comme la Holstein pure, montrent des limites en termes de résistance aux climats extrêmes, d’efficacité sur des régimes à base d’herbe, et de longévité.
Une précision sur la Holstein utilisée dans le KiwiCrossLe croisement KiwiCross n’utilise pas la Prim’Holstein, qui est courante en Europe, mais la Holstein-Friesian, qui présente des différences notables :- La Prim’Holstein européenne a été sélectionnée pour maximiser la production laitière en litres, souvent dans des systèmes complémentaires à base de concentrés.- La Holstein-Friesian néo-zélandaise, elle, a été sélectionnée pour être plus efficace au pâturage, avec une meilleure conversion de l’herbe en lait et une meilleure fertilité.
Ainsi, la Holstein-Friesian néo-zélandaise a été croisée avec la Jersey pour gagner en rusticité, améliorer la longévité et optimiser l’adaptation au pâturage.
Le KiwiCross a été développé pour corriger les faiblesses des races pures et maximiser la rentabilité en élevage pâturant :- Une meilleure résistance aux conditions climatiques (froid, humidité, sécheresse) grâce à la robustesse naturelle de la Jersey.- Des aplombs plus solides pour supporter les déplacements fréquents sur de longues distances entre pâtures.- Une meilleure résilience face aux parasites et maladies grâce à une immunité renforcée.- Une meilleure fertilité
1.2. Optimiser la production laitière : Trouver le bon équilibre entre quantité et qualité
Un des défis majeurs de l’élevage en système herbager est de trouver un équilibre entre volume de lait et richesse nutritionnelle. Les races très productives comme la Holstein offrent de gros volumes, mais souvent au détriment des taux de matière grasse (MG) et matière protéique (MP), essentiels pour la valorisation du lait.
💡 Pourquoi la Nouvelle-Zélande a priorisé la MSU plutôt que les litres de lait
La Nouvelle-Zélande est un pays exportateur de produits laitiers, notamment de poudres de lait et de fromage. Exporter du lait liquide, composé en grande partie d’eau, n’est pas économiquement viable. Il a donc fallu maximiser la production de matière sèche utile (MSU) plutôt que simplement produire plus de litres.
MSU vs Litrage : quelle différence ?
Le litrage correspond au volume total de lait produit par une vache, indépendamment de sa richesse nutritionnelle.
La MSU (Matière Sèche Utile) correspond à la quantité de matière grasse et protéique produite. C’est cette matière qui est valorisable dans l’industrie agroalimentaire (fromage, beurre, poudre de lait).
📌 L’objectif du KiwiCross a donc été de produire plus de MSU.
Grâce à l’apport de la Jersey dans le croisement, les taux de MG et MP ont été augmentés, tout en gardant l’avantage de la friesian qui produit plus de lait et une durée de gestation globalement plus courte, ce qui permet aux éleveurs néo-zélandais de vendre un lait plus riche et plus rémunérateur.
1.3. Réduire les coûts liés à la santé et à l’entretien des animaux
Le coût de maintenance des vaches laitières est un enjeu majeur en élevage. Une vache qui tombe souvent malade ou qui a une fertilité médiocre coûte cher en interventions vétérinaires et en renouvellement du troupeau.
Le KiwiCross a été développé pour réduire ces coûts grâce à :- Une meilleure fertilité : la Jersey est réputée pour ses cycles reproductifs courts et réguliers.- Moins de problèmes de santé : grâce à une sélection rigoureuse sur la longévité et la résistance aux mammites.- Un besoin alimentaire plus faible : la vache KiwiCross, plus légère que la Holstein, nécessite moins d’énergie d’entretien, ce qui réduit la pression sur les pâturages.

💡 L'impact économique du croisement sur le renouvellement du troupeau
L’un des effets les plus importants du croisement est l’augmentation de la longévité des vaches. Une vache plus robuste vieillit mieux, ce qui entraîne deux bénéfices économiques majeurs :
1 Moins de dépenses liées au renouvellement
Une longévité accrue signifie moins de réformes précoces, donc moins de frais d’élevage des génisses de renouvellement. (4,5 lactation de moyenne en NZ)
L’éleveur garde ses vaches plus longtemps et réduit les coûts liés à l’insémination et au remplacement.
L’amélioration de la longévité permet d’être plus drastique sur la sélection génétique et donc de l’accélérer.
2️ Plus de vaches traites sur la même surface
Moins de génisses à élever = plus de place pour traire des vaches adultes.
L’énergie et les ressources alimentaires disponibles sont utilisées pour produire du lait plutôt que pour élever du renouvellement.
2. Avantages et inconvénients des croisements
Le croisement est un levier puissant pour améliorer l’adaptabilité des vaches laitières aux systèmes herbagers. Cependant, bien que cette stratégie offre des gains rapides en robustesse, en fertilité et en efficacité alimentaire, elle présente également des inconvénients à considérer, notamment sur l’homogénéité du troupeau et la valorisation des veaux mâles.
Dans cette partie, nous allons détailler les principaux avantages et limites du croisement en élevage laitier pâturant.
2.1. Les avantages des croisements
Les éleveurs qui pratiquent le croisement recherchent avant tout une amélioration de la fertilité, de la longévité et de l’efficience alimentaire. Le KiwiCross en Nouvelle-Zélande est l’exemple parfait d’une approche pragmatique et économique, où les bénéfices ont été démontrés à grande échelle.
🟢 Hybridation pour améliorer la fertilité et la longévité
L’un des effets les plus marquants du croisement est l’hétérosis, ou vigueur hybride. Ce phénomène génétique permet d’améliorer significativement certaines caractéristiques fonctionnelles du troupeau, notamment :
✅ Une meilleure fertilité :
Le KiwiCross hérite de la Jersey, réputée pour ses cycles de reproduction plus courts et plus réguliers.
Les taux de réussite en insémination artificielle sont souvent plus élevés que chez les Holstein pures.
Une vache plus fertile signifie moins de jours improductifs et une meilleure planification des vêlages en systèmes herbagers.
✅ Une longévité accrue :
Grâce au croisement, les vaches ont moins de problèmes de santé (mammites, boiteries), ce qui retarde les réformes.
Une vache qui dure plus longtemps dans le troupeau permet de réduire le coût du renouvellement et d’affecter plus de surfaces à la traite plutôt qu’à l’élevage des génisses.
Exemple néo-zélandais : Le KiwiCross a permis aux éleveurs de garder leurs vaches en moyenne un an de plus par rapport aux Holstein pures, réduisant les coûts et améliorant la rentabilité.
🟢 Réduction des besoins d’entretien grâce à des vaches de gabarit intermédiaire
La taille et le poids des vaches ont un impact direct sur leur besoin énergétique. Plus une vache est grande, plus elle nécessite d’aliments uniquement pour maintenir ses fonctions vitales, avant même de produire du lait.
Le KiwiCross est un bon compromis entre la grande Holstein-Friesian et la petite Jersey :
✅ Un poids modéré, réduisant les besoins énergétiques d’entretien.
✅ Moins de pression sur les pâturages, favorisant une meilleure gestion des surfaces et de la biomasse disponible.
✅ Une ingestion adaptée au pâturage : une vache trop grande ne tire pas plus de profit de l’herbe, car le rumen atteint rapidement sa capacité maximale d’ingestion quotidienne.
🟢 Meilleure rentabilité dans des conditions de pâturage difficiles
Dans les systèmes où l’herbe est la principale, voire l’unique ressource alimentaire, une vache doit être efficace, rustique et autonome.
Le croisement permet d’adapter le troupeau aux conditions réelles du pâturage :
✅ Une meilleure conversion de l’herbe en lait grâce à une digestion plus efficace.
✅ Moins de recours aux concentrés, réduisant la dépendance aux aliments achetés.
✅Une vache plus mobile, capable de parcourir de longues distances pour s’alimenter (important en terrains vallonnés ou escarpés).
2.2. Les inconvénients des croisements
Malgré tous ces avantages, le croisement présente aussi des limites qu’il faut anticiper.
🔴 Changements visuels (robe, taille, homogénéité du troupeau)
L’un des premiers effets visibles du croisement est l’hétérogénéité morphologique :
⚠ Variabilité des robes : une descendance KiwiCross peut présenter des motifs irréguliers, mélangeant des caractères Holstein et Jersey, ce qui peut poser un problème d’identification ou d’esthétique pour certains éleveurs.
⚠ Différences de taille et de format : certains individus héritent plus de la Jersey (petits gabarits), d’autres de la Holstein (plus grands), rendant le troupeau moins uniforme.
⚠ Changement des critères de sélection : contrairement à une race pure où les objectifs sont précis, le croisement implique plus de variabilité dans la transmission des caractères.
🔴 Revenus moindres pour les veaux mâles
Le croisement peut réduire la valorisation des veaux mâles, selon les races impliquées :
⚠ Un veau croisé a souvent moins de valeur qu’un veau de race pure sur le marché de la viande.
⚠ Moins d’intérêt pour les engraisseurs, ce qui peut impacter les revenus liés aux ventes de veaux.
Toutefois, si le croisement de boucherie est bien pensé cette partie peut être limitée. De plus, l’amélioration de la rentabilité de l’atelier principal laitier couvre largement cette potentielle baisse.
3. Stratégies de croisement de races
Le croisement est un outil stratégique qui doit être pensé sur le long terme pour maximiser ses bénéfices sans compromettre l’équilibre du troupeau. Contrairement à une simple hybridation ponctuelle, un croisement efficace repose sur une planification précise, la sélection de races complémentaires, et une gestion rigoureuse des générations suivantes pour stabiliser les résultats.
Dans cette partie, nous allons détailler comment structurer une stratégie de croisement adaptée aux systèmes herbagers, en prenant appui sur les enseignements du KiwiCross et les pratiques d’amélioration génétique néo-zélandaises.
3.1. Croisement ciblé pour des objectifs précis
Un croisement efficace commence par une définition claire des objectifs à atteindre. En élevage pâturant, ces objectifs doivent être en lien avec l’efficacité alimentaire, la robustesse et la rentabilité du troupeau.
Les principaux axes de sélection génétique en croisement sont :
✅ Amélioration des matières utiles (matière grasse et protéines)
Introduire des races avec de bons taux de MG et MP pour augmenter la MSU sans nécessairement augmenter les litres de lait.
le croisement Holstein-Friesian × Jersey (KiwiCross) a permis d’améliorer les taux de matières utiles en Nouvelle-Zélande.
✅ Renforcement de la rusticité et de l’efficacité alimentaire
Sélectionner des races capables de mieux valoriser l’herbe et de réduire la dépendance aux concentrés.
l’introduction de la Jersey dans le KiwiCross améliore la capacité à ingérer et transformer efficacement l’herbe en lait.
✅ Amélioration de la fertilité et de la longévité
Intégrer des races connues pour leurs qualités reproductives et leur résistance aux maladies.
La Jersey est utilisée dans le KiwiCross pour améliorer les taux de gestation et la longévité du troupeau.
📌 En résumé : un croisement doit répondre à une problématique spécifique (ex. : améliorer les taux, la fertilité, la longévité) et être raisonné pour éviter de créer un déséquilibre dans le troupeau.
3.2. Introduction de races complémentaires
Le choix des races à croiser dépend des qualités que l’on souhaite améliorer et des contraintes du système de production.
🔹 Exemple du KiwiCross : un équilibre optimal entre production et rusticitéLe croisement Holstein-Friesian × Jersey a été structuré pour obtenir une vache :
✅ Plus petite et plus économe qu’une Holstein pure, mais avec un bon volume de lait.
✅ Plus productive qu’une Jersey pure, mais conservant ses avantages en rusticité et en fertilité.
✅ Capable de produire efficacement sur herbe, avec un bon équilibre entre rendement et besoins d’entretien.
🔹 Adaptation du principe à d’autres croisements en France en fonction des objectifs de l’éleveur, plusieurs combinaisons peuvent être envisagées :
Montbéliarde × Jersey → Vache plus compacte et rustique, avec de bons taux de matières utiles.
Prim’Holstein × Tarine → Croisement intéressant pour équilibrer la production et la robustesse.
📌 L’important est de croiser des races très éloignées génétiquement pour augmenter l’impact de l’hétérosis, mais en prenant compte que les races choisies pour le croisement doivent avoir à disposition une base génétique importante et diversifiée pour améliorer la génération future.
3.3. Gestion des générations pour stabiliser les croisements
Un croisement bien pensé ne s’arrête pas à la première génération (F1). Il faut anticiper comment stabiliser les performances et structurer le troupeau sur plusieurs générations.
Trois approches de gestion des générations en croisement
1️ Retour à une race dominante (croisement en 3 voies ou 2B1)
Objectif : Conserver la diversité génétique tout en stabilisant le troupeau.
Croiser KiwiCross avec une nouvelle Holstein-Friesian pour retrouver un format plus productif tout en conservant la rusticité acquise.
2️ Stabilisation avec une alternance de croisements (rotationnelle 3 voies)
Objectif : Maintenir l’hétérosis sur plusieurs générations sans perdre en uniformité.
Normande × Jersey puis retour vers Holstein-Friesian pour préserver les qualités des trois races.
Globalement les études montrent que l’ajout d’une troisième race à plutôt tendance à réduire la performance de la descendance.
3️ Sélection des meilleurs individus et stabilisation d’un nouveau type génétique
Objectif : Former une nouvelle lignée optimisée pour le pâturage en sélectionnant les meilleures vaches issues du croisement.

3.4. Indices génétiques spécifiques : BW (Breeding Worth) et autres outils d’évaluation pour le pâturage
Un croisement ne doit pas être réalisé au hasard, mais guidé par des indices génétiques fiables. En Nouvelle-Zélande, l’un des outils phares est le BW (Breeding Worth), un indice économique qui permet d’évaluer l’intérêt d’un reproducteur dans un système herbager.
🔹 Le Breeding Worth (BW) : un indice clé en système herbager
Le BW est calculé sur la base de 7 critères économiques majeurs :1️ Efficacité alimentaire (capacité à produire du lait en valorisant l’herbe).2️ Production de MSU (matière grasse et protéines utiles).3️ Fertilité (probabilité de vêlage réussi dans le système herbager).4️ Santé mammaire (résistance aux mammites).5️ Longévité (nombre de lactations optimales avant réforme).6️ Poids vif (efficacité énergétique et impact sur le pâturage).7️ Facilité de vêlage (réduction des interventions humaines).
💡 Pourquoi utiliser un indice comme le BW en France ?
Il permettrait de sélectionner des taureaux réellement adaptés au pâturage, en évitant les lignées trop exigeantes en intrants.
Il favoriserait les animaux capables de durer plus longtemps dans le troupeau, réduisant ainsi le coût du renouvellement.
Il permettrait aux éleveurs d’anticiper les performances économiques d’un croisement avant de l’intégrer dans le troupeau.
4. L’impact du gabarit de la vache sur la rentabilité en système pâturant
Précision essentielle : cette comparaison ne fonctionne que dans un système pâturant
Avant d’analyser les résultats du tableau ci-dessous, il est crucial de préciser que cette comparaison ne s’applique que dans un système où l’herbe est la principale source d’alimentation.
Dans un système pâturant, l’élément limitant la production laitière n’est pas le potentiel génétique de la vache, mais sa capacité d’ingestion. Contrairement à un système intensif où l’alimentation est optimisée pour répondre aux besoins de production, le pâturage impose une limite structurelle : la quantité d’herbe qu’un animal peut ingérer chaque jour.
Cela signifie que dans un même environnement pâturant, une vache plus lourde aura des besoins énergétiques d’entretien plus élevés, mais n’aura pas plus d’énergie à disposition pour la production laitière qu’une vache plus légère.
Comparaison des performances entre une vache de 550 kg et une vache de 700 kg
Critères | Vache 550 kg | Vache 700 kg |
Besoins d’entretien (MJEM) | 65 MJ | 80 MJ |
Énergie totale disponible (MJ) | 198 MJ | 198 MJ |
Énergie disponible pour la production laitière | 133 MJ | 118 MJ |
Lait produit (kg/jour) | 21,1 | 20,4 |
Taux Butyreux (TB) | 48 g/L | 41 g/L |
Taux Protéique (TP) | 37 g/L | 32,5 g/L |
Total lait produit (kg/an) | 6 435,6 kg | 6 222 kg |
Prix du lait (€/1000 L) | 350 € | 350 € |
Bonus TB >38 g/L (€/1000 L) | 2,35 € | 2,35 € |
Bonus TP >32 g/L (€/1000 L) | 7,5 € | 7,5 € |
Chiffre d’affaires total lait (€/an) | 2 252,46 € | 2 177,7 € |
Incidence TB (€/an) | 151,22 € | 43,87 € |
Incidence TP (€/an) | 241,31 € | 23,33 € |
Chiffre d’affaires total (€/an) | 2 644,99 € | 2 244,9 € |
Différence | +400,09 € |
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Analyse des résultats : pourquoi la vache plus légère est plus rentable en système pâturant ?
1. La vache plus lourde a des besoins d’entretien plus élevés
Une vache de 700 kg consomme 80 MJ par jour pour simplement maintenir son métabolisme, contre 65 MJ pour une vache de 550 kg.
L’énergie totale disponible étant identique dans le cadre d’un pâturage limité, il reste moins d’énergie pour la production laitière chez la vache lourde (118 MJ contre 133 MJ).
2. La vache plus légère produit un lait plus riche en matière utile
Le taux butyreux (TB) et le taux protéique (TP) sont plus élevés chez la vache de 550 kg.
Cela signifie que chaque litre de lait produit est mieux valorisé économiquement.
3. Impact sur le chiffre d’affaires : +400 € par an en faveur de la vache de 550 kg
Le lait total produit est légèrement plus élevé pour la vache légère (+213 kg/an).
Le lait de la vache plus légère est mieux rémunéré, grâce à ses meilleurs taux de TB et TP.
En additionnant ces effets, le chiffre d’affaires total annuel par vache est supérieur de 400,09 € pour une vache de 550 kg par rapport à une vache de 700 kg.
Soit un impact global de + 27 606€ par an pour le troupeau moyen français (69 vaches en 2020).
Conclusion : Vers une vache parfaitement adaptée au pâturage grâce au croisement
L’élevage laitier en système pâturant impose des contraintes spécifiques que la sélection intra-race seule ne peut pas toujours résoudre. Le croisement est ainsi apparu comme un levier puissant pour améliorer l’efficacité alimentaire, la robustesse et la rentabilité des troupeaux.
L’exemple du KiwiCross néo-zélandais illustre parfaitement comment un croisement peut être structuré dans une logique d’optimisation du pâturage. En associant la Holstein-Friesian, pour sa production laitière, et la Jersey, pour ses taux de matières utiles et sa rusticité, les éleveurs néo-zélandais ont obtenu une vache plus efficiente sur l’herbe, plus fertile et plus durable.
Cette approche apporte trois bénéfices majeurs pour les élevages herbagers :- Une meilleure valorisation de l’herbe : en maximisant la MSU plutôt que les litres de lait, le KiwiCross répond aux réalités économiques d’un pays exportateur.- Une réduction des coûts d’entretien et de renouvellement : une vache plus rustique et plus fertile permet de prolonger la carrière des animaux et d’augmenter la part des surfaces destinées aux vaches laitières.- Un modèle plus résilient face aux variations climatiques et alimentaires : grâce à son efficacité énergétique, le KiwiCross maintient ses performances même dans des conditions de pâturage difficiles.
Cependant, cette approche n’est pas exempte de contraintes. Le croisement implique une gestion fine des générations, pour éviter une trop grande hétérogénéité morphologique ou des pertes de valorisation des veaux mâles. Il nécessite aussi une planification rigoureuse, notamment en ce qui concerne les choix de races et les indices génétiques adaptés au pâturage.
Enfin, l’analyse des performances des vaches selon leur poids démontre que l’efficacité alimentaire en pâturage est plus importante que la taille du gabarit. Une vache plus légère, autour de 550 kg, est plus rentable qu’une vache de 700 kg, car elle utilise moins d’énergie pour son entretien et produit un lait mieux rémunéré en matières utiles.
En conclusion, le croisement n’est pas une solution universelle, mais un outil puissant lorsqu’il est utilisé stratégiquement. Il permet d’adapter les troupeaux aux exigences du pâturage, en améliorant la conversion de l’herbe en lait, la fertilité et la pérennité des vaches dans le troupeau. Pour les éleveurs souhaitant maximiser l’autonomie alimentaire et la rentabilité de leur exploitation, il représente une alternative intéressante à explorer, en tenant compte des contraintes spécifiques à chaque système de production.
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